En période de pandémie et de fermeture des lieux culturels, l’improvisation s’adapte. Impro Suisse innove afin de pouvoir continuer à proposer ses spectacles à un public fidèle. Le week-end du 23 et 24 janvier, la compagnie a proposé deux spectacles filmés et diffusés en direct sur sa page Facebook, Impro Voice le samedi soir, Héros le dimanche après-midi pour les plus jeunes. Deux initiatives inédites qui ont réuni de nombreux spectateur·rice·s et nous ont permis de retrouver, à travers l’écran, les magnifiques talents des improvisateur·rice·s d’Impro Suisse. Anna Krenger et Lionel Perrinjaquet ont participé à ces tournages à l’Esprit Frappeur de Lutry. Il·elle·s nous parlent de ces expériences inédites.
Sur scène, quel ressenti pour les acteur·rice·s, dans des conditions de jeu très particulières? «Comme on ne peut pas s’appuyer sur le public, on cherche davantage les retours auprès de ses partenaires», raconte Lionel, gagnant de la toute première édition d’Impro Voice. «Il y a une forte solidarité qui s’installe entre les participant·e·s au spectacle. Ce sont eux qui vont soutenir nos propositions avec leur enthousiasme et leurs rires. L’interaction avec le public se fait autrement: on utilise les regards caméra, on s’amuse avec d’autres codes, ceux de la télévision. C’est une expérimentation intéressante.»
De son côté, Anna a joué le spectacle Héros. «J’ai été très contente de retrouver le jeu. J’ai ressenti un plaisir très enfantin à improviser à nouveau avec des partenaires. Ça me manquait évidemment. C’était toutefois un peu perturbant de jouer pour les enfants, mais sans les enfants, qui montent habituellement sur scène avec nous.» Dans ce spectacle aussi, l’absence du public est une donnée à prendre en compte. «Tu te retrouves privée de l’un de tes partenaires de jeu, poursuit Anna. En théâtre improvisé, le public te renvoie perpétuellement des indications et des énergies. Sans lui, on peut parfois manquer de repères.»
Si le public n’est pas présent concrètement, il a la possibilité d’interagir avec le spectacle et de proposer des thèmes aux improvisateur·rice·s via l’application d’Impro Suisse. Une interactivité qui représente, selon Lionel, un élément clé de ces spectacles en ligne: «Grâce à cela, on a vraiment l’impression d’être dans l’instant présent, de participer à un spectacle qui se déroule pour des spectateur·rice·s, maintenant. On renoue avec ce contact-là, alors qu’on en est privé depuis un moment.» Ainsi, le public potentiel s’élargit, et des propositions émanent de personnes regardant le show à des centaines de kilomètres.
Samedi, de nombreux mots ont été proposés à distance, via l’application. «C’était vraiment bizarre, s’amuse Lionel. Normalement, à Impro Voice, tu peux voir le public dans la salle lorsqu’il a la tête baissée et qu’il vote sur l’application. Il est en train de sceller ton destin et tu aperçois son sourire quand il le fait. Avec le streaming, tu ne vois rien, tu ne peux qu’imaginer les gens sur leur canapé et train de proposer des mots. On a presque l’impression qu’ils sortent de nulle part.»
Pour les improvisateur·rice·s, les aspects techniques d’une représentation en streaming rajoutent une certaine complexité au jeu. «Dimanche, les interactions avec le public se faisaient par l’intermédiaire d’une tablette, explique Anna. Il y a trois caméras avec des angles différents à intégrer. Il y a tout un dispositif technique qui est nouveau et qui reste encore à explorer.»